PHAREL

Vers l'amontREFLEXIONS DANS UN JARDIN

Parfois, c'est un détail insignifiant qui évoque le mieux un monde. Gouverné par la vision générale, qui elle-même est soumise aux règles du quotidien et de l'habitude, notre regard affaiblit le plus souvent tout. Pourtant, ne s'attardant jamais sur le petit rien, s'en détournant, le dédaignant ou parfois l'oubliant, il lui conserve toute la puissance de son intégrité et lui offre la liberté de livrer de la façon la plus pure et la plus clairvoyante une réalité à peine effleurée, jamais émoussée.

Le détail choisi, celui qui n'est pas touché par l'éclat des belles choses mais celui qui s'en est chargé, est parfois le gardien de l'atmosphère de la serre entière. Coulures, moisissures, rouille, c'est là que sont logées les âmes de l'eau, du végétal, du fer et du verre. Et de ce détail singulier, un univers autre jaillit, comme un souvenir. Transparences, profondeurs, reflets. Mise en présence définitive de mondes inconciliables, intrication d'espaces tirés de la plus pure impression. Flous qui se perdent dans l'imaginaire et la rêverie, mises en abyme. Images flottantes.

Il suffisait, sans recours au regard qui redresse le monde pour l'expliquer, de se rendre à l'évidence, fugitive, de cette réalité de bribes tremblées qui existe dans l'écho silencieux des reflets.

L'étrangeté réside dans le fait que c'est une image sans réciproque, image d'un retour impossible à la réalité. Elle est un "Cela a été mais ce n'était pas cela." Source d'émotion, "Cela a été"; mais aussitôt, petit décalage et surtout grand mystère," mais ce n'était pas cela".

Si la vérité réside dans son immanence, la réalité, dans sa mutabilité, a une permanence: une loi physique nait lorsque vérité et réalité se confondent, mais lorsque vérité et réalité se séparent, on est en présence d'une création artistique. Quand André arpente les jardins botaniques et leurs serres, approchant au plus près de ce qui en émane, il crée une distorsion entre vérité et réalité puisque ce monde révélé, impossible pourtant, est bien vivant: il palpite.

Dans ce parti pris photographique, la mémoire et ses expériences est primordiale. C'est un long, très long cheminement qui l'a amené ici, des rives de la Sorgue, à cet instant. Cet instant qui se fait convergence, révélant non seulement l'atmosphère particulière d'un lieu mais ressuscitant aussi celle de temps vécus au bord des eaux.

Anne Pharel

 

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